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Lire/Antigone.



Ce fut déterminant: Sophie, ses malheurs, ses jupons de dentelle, ses cheveux nattés, sa cruauté.
Paul.
Elle s'oubliait dans les livres, sidérée de la manière qu'elle avait désormais à pouvoir s'exiler. Dès lors de partout elle le fit, s’important pleinement, s'introspectant, et parfois s'identifiant. Au lit surtout, couchée sur le côté, intimement enroulée.
Aujourd'hui, encore.
Cette position lui venait de l’internat; d’une chambre minuscule séparée d'un corridor par une tenture 'lie de vin' qu'une surveillante boiteuse et sournoise soulevait par le dessous.

Un bureau en bois clair.
Dans le tiroir, des pommes à la peau rêche et brune, rangées pour la semaine.
Une chaise, un lavabo surmonté d’un miroir tavelé, vissé à même le mur. 
( L'eau gelait au robinet, les jours de grande froidure).
Un lit en fer, étroit, solitaire.

Chaque soir, à la même heure, venait l’obligation de se mettre au lit.
L’obscurité se faisait brutalement, sans appel, à l’exception d’une veilleuse qui indiquait les toilettes gigantesques, poisseuses et humides.

Alors, dissimulée sous les couvertures, désobéir. 
Lire.

Elle occultait l’odeur de l’éther, les toussotements des filles malades, la frayeur de la nuit.

*  Oedipe sur la route.
      

Le Cri/Antigone.
 

"Hémon t'aime parce que tu es vraie, follement vraie, Antigone, 
  et que ta seule présence fait sentir ce qui est faux."
  (Henry Bauchau/Antigone, p.76, Actes Sud 1997)


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