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Le vent l’emportera / Noir Désir



Elle détesta le mépris exprimé en face, la façon de dire dans une conversation devenue étroite, toute la suffisance, et la vanité.
Elle n'attendit pas longtemps, l'exaspération lui mit au corps l'irrépressible envie de se propulser hors des lieux.

Dans la rue, en même temps qu'elle croisait des gens de toutes sortes, la conscience lui revint de sa verticalité. 
D'un coup, elle expira la colère rentrée et se libéra du souffle destructeur. 
  
Marcher.
Vite. 
Tout laisser.
Ici, ne plus se cogner.

Des images s'imposèrent d'un endroit exact qui lui rendrait l'essentiel de son âme: un ailleurs, loin des jugements sans appel, distancié de l’odeur et du goût de cette ville dans laquelle elle se déplaçait.

Quand elle rentra, un pli amer tirait vers le bas les commissures de sa bouche.

Rien, il y a plus de vingt ans ne l’avait empêché d'aller soigner ses blessures. 
Rien ni personne ne l'avait retenue. 
Rien, ni personne.


Le vent à nouveau la porterait.

Jean Cocteau