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L'oeil du cyclone.



Au sortir de la maison, la mère se mit à marcher rapidement. La petite peinait à la suivre et pour peu qu’elle ralentisse son allure, elle était aussitôt ramenée à niveau. Elle aurait bien aimé retirer sa main, ne plus trébucher sur les pavés gris de la place.

* Oh, doucement décoller le bonbon du papier, recevoir un baiser, un peu d'attention...

La femme au bout de son bras répétait par à coups: notre famille est maudite ! Et dans sa voix on percevait tout le chagrin, la poignante amorce du sanglot. 
La petite se sentait vaguement effrayée. Quelque chose se passait qu'elle ne comprenait pas; la sonnerie aigrelette du téléphone, peut-être, qui tout-à-l'heure avait retenti dans le bureau du père.

*  Maudits, sous sommes maudits !

Il est des mots qu'il ne faut pas dire aux enfants. 
Ils reviennent dans l'obscurité les hanter, et quand plus tard, le sort s’acharne, ils les répètent malgré eux, dans une sorte de fatalité qui les glace. 
Ils peuvent alors follement se jeter dans l'errance. Ils se serrent dans des bras inconnus, s'enroulent, se blottissent, se rassurent, se perdent longuement dans des conversations. Ils peignent avec rage, dansent avec acharnement, boivent à outrance, hurlent, se déchirent, s'oublient, écrivent des lettres cruelles, se réinventent, mentent, abandonnent, s'abandonnent, s'intoxiquent, s'abîment, se rient des diables qui les tentent, les apprivoisent, les asservissent, s'asservissent, se vendent, se rachètent, s'arrachent l'âme, les yeux, le ventre même.


Et puis un jour, dans la lumière de l'aube, certains s'immobilisent épuisés.
Ils se replacent lentement au centre, se rassemblent, deviennent dormeurs, méditants, à l'écoute, statiques, étrangement extatiques.



   
बोउद्ध दोर्मेउर्