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Cher grand-père.


(Il est des nuits où tout pèse et obsède.)

Elle était jeune alors, et l’épouvante de ce qu’elle entendait lui tatouait l’esprit.
Ce grand-père, instructeur dans l'armée française, revenu du pire, lui aliénait la part obscure de l'humanité.
-  Je les ai vus, ces hommes, mes hommes, appeler leur mère comme des gamins. Ils retenaient leurs entrailles fumantes. On ne pouvait rien pour eux. 
Rien. Les obus pleuvaient. Ça hurlait de partout. -

Elle l’imaginait, le barda lourd et puant, rampant dans la boue des tranchées, à s'effrayer des rats.

* Il lui avait appris à se tenir à vélo, à cueillir précisément dans le jardin qui prolongeait la maison, la tomate mûre et tiède.
Il lui avait témoigné de l’attention, de l'affection, de la patience.
Il méritait bien qu'elle l’écoutât.

Survivre, il s'y était employé, même à la grippe espagnole, (trente millions de morts selon l'institut Pasteur, voire bien plus)comme si éviter d'être à tout moment mutilé ou tué n'avait pas suffi.

-  J'ai vu des soldats fusiller les leurs, pour l'exemple. Tu imagines, petite, pour l'exemple ! Pour empêcher ces pauvres bougres devenus fous, de fuir par tous les moyens, l'enfer. -

Les déboussolés n'ont rien à faire à la guerre.

La nuit pénétrait ses yeux.

   détruire/reconstruire
   haïr/obéir
   napalm/Vietnam.

L’insupportable banalité du mal lui dévorait la cervelle.
Rien, ne pouvait empêcher qu’elle y pense.


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