Pages

Djaz

Elle avait beau faire, sourire, s'agiter, danser, tourner en dérision des propos ou des événements, se balancer longuement, s'enrouler dans des écharpes douces. C'était là, tout le temps. Rien, pas même le soin qu'elle mettait à la chasser, ne pouvait empêcher cette vision de s'imposer alors même qu'elle riait aux éclats. Elle l'imaginait froid, raide, le visage cyanosé, la bouche ouverte. 

Des années qu'ils s'étaient rencontrés. 

Il était grave, s'encombrait du poids de ses souvenirs, s'y complaisait, ne tournait qu'autour d'eux. Il était instable, irritable, s'assombrissait souvent. C'était un vrai toqué, un maniaque-ô-dépressif, un boulimique sournois, un morbide, un adepte en demande, un aspirant-gourou, un faux-apôtre, un défroqué, un persécuté, un "se mettre en scène", un semblant d'acteur, un gros ressasseur, un torturé-torturant, un presque pianiste, un manipulateur, un fou !

Bref, elle était fascinée

-  Arrête 

-  C'est compliqué
-  Il te tourmente
-  Je vais laisser l'appartement, aller vivre avec lui
-  Tu es folle ! Regarde-toi ! Imagine qu'il se lasse, où irais-tu ? Car il se lassera, tu le sais bien. Il est imprévisible, épouvantablement toxique

-  Il faut que je sache
-  Je t'en prie, ne le laisse pas détruire ce qu'il y a de si clair dans tes yeux.

***