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À Marie.



C'était un 29 février.
Elle ne sait plus de quelle année.
L’Univers tout entier s’est comme retourné.
Son esprit s'est absenté.


* Que faisait donc cette enfant, son unique engendrée, à subitement se détacher ? Les mots étaient lentement prononcés. Ils se voulaient au fur et à mesure, tranchants et cruels comme la pierre. Chacun, pensé, détaché, articulé de loin, la giflait si justement qu'elle en perdait l'équilibre. 

Quand elle réintégra son corps, la nuit était si noire qu'elle cherchait du pied le sol qui se dérobait.

  *  Doucement, dérouler les rideaux de bambou,
      et laisser, seule, la lueur du bassin aux nénuphars éclairer la pièce.
      Ne pas se dédoubler.
      Ne pas basculer de l’autre côté.
      Ne pas regarder l’arum blanc se dissoudre dans l'eau du vase.

S'aliéner l’espace tronqué, l’étroitesse imposée, l’horizon occulté, la pensée arrêtée. Renvoyer les revenants revenus, ordonner aux vents stridents de s'en retourner aux  dunes arides, exiler le souffle puissant des voix qui se lamentent.

Le grand cri dévasté s'éloignera au fil des années, mais le désordre enraciné ne lui fera pas déposer, au temple d'Angkor Vat, toute l'ombre portée et la brûlure du passé.




Yogi




* L'appel que lance le cri, une fois qu'il est devenu chant, n'est plus adressé à personne.*
Pascal Quignard


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