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ECRIRE.



Des carnets, des cahiers, du papier recyclé, des enveloppes décachetées, des prospectus glacés, des circulaires. Dessus et dedans, à tort et à travers, en diagonale, droits ou verticaux, dans des rectangles ou des ellipses, des ronds et des triangles, se croisent et s'entrecroisent, des phrases. Des phrases qui se mêlent, se démêlent, se débattent, s’entremêlent, se chevauchent, s’ébauchent, s’achèvent, se barrent, s’indignent, se lamentent, se moquent, se raturent, s'écrivent à nouveau, se ratent encore, se saccagent, s’accouplent, se désignent, se déchirent, se retiennent, se tordent, se rappellent, se perdent dans une grande confusion.


* Il faudrait tout rassembler pense-t-elle, tout ranger, tout classer, ou alors, tout jeter.
Le courage lui manque.
Y penser, s’interroger, se persuader, s’en aller, se détourner, revenir, insister. Enregistrer alors, imprimer, publier, peut-être.

Prétention !


Elle se souvient d’un cahier. D'un cahier dissimulé. Un cahier rigide, recouvert d’une toile grise. Un cahier à tranche rouge, dans lequel, chaque jour, elle accédait aux vertiges. Ceux-là resteront gravés et la précipiteront. 
L’obsession de la mort, déjà.


Qu'elle était jeune, alors !
Jean faisait les cents pas sous sa fenêtre, en fumant.

Ce cahier, elle le reconnaîtrait. 


Ecrire ! Réinventer le geste suspendu, la couleur de l'aube, la pluie sur les carreaux, la douceur du chat, l'odeur de ses pattes, l'essoufflement, le goût du sang dans la bouche.


Comment décrire l'intime sans heurter ?
Et ce chagrin, qui sans cesse revient ?


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