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L'âge du coeur.



En même temps qu’elle suffoquait, son coeur s'emballait. 
Il luttait, bataillait, renvoyait par à coup le sang à peine oxygéné.
Trop de nuits blanches, pensa-t-elle, trop d'aubes noires.
L'affolement lui raclait la mémoire.
Elle revoyait sa mère austère, son indifférence.
Marie, qui de ses petites mains pressait avec ravissement une girafe en caoutchouc. 
Le grand-père assis, résigné, silencieux.

Un souffle tiède balaya son visage.

L’île dans la tourmente lui renvoyait sa houle, ses vents stridents, ses tôles froissées, le fracas des baies vitrées, éclatées. 
L’odeur lui revenait de l'air saturé.

Son corps tout entier se réchauffa au clapotis du lagon clair.

Oh, la saintoise qui se balance.
   L'épervier que l'homme déploie.

Nom de dieu, dit-elle en essayant de se redresser, cette fois je vais passer de l'autre côté.

*  D'un coup, l’arythmie cessa. 
    Elle retrouva sa vraie conscience.
    L'étroitesse de l'appartement.
    Et l'absolue banalité de son existence.


***


" Dans l'anxiété et l'affolement, le calme soudain à la pensée du foetus qu'on a été."
  Cioran.




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