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Peindre.



Le regard se cognait aux angles arrêtés de la pièce, courait le long des fissures ennuyeuses, remontait au plâtras du plafond, puis retournait à l'intérieur de l’orbite.
Tout était vide, absolument inutile, silencieux, et très étrange.
Petite, elle disait : c’est l’odeur de rien.

Aucune ouverture, aucune idée ne lui venait, sinon celle, très lucide de l'intuition. L’esprit allait aux pôles, et percutait, ubiquitaire, ses extrêmes.

* Il suffirait d’une incision le long de la veine, d’une autre à l’artère, pour que le sang enfin dévié de son circuit, jaillisse sur les murs lisses, et les teigne.
S’écaillerait-il à la longue ? Donnerait-il au tableau  une couleur plus morte encore ?

La trahison saccage tout.
Les mots des promesses, les gestes doux, les rendez-vous.
 Le pardon n’existe pas.
C’est une fiction, un truc de religion.
Personne ne survit à l’infect.
Ils ont beau dire, écrire, peindre, chanter, sculpter, danser.

*  Et si je me rasais la tête, dit-elle soudain, en se redressant.
   On y verrait les cicatrices, même celle originelle.
   Ta pauvre chevelure repousserait, dépigmentée.
   Elle accuserait, argentée, au reflet du miroir, le Temps.

Pour qui donc serait ta dernière pensée ?

Elle n’en sait rien.
C’est comme avant, comme quand elle était petite.
L'éblouissement dans l'éclaboussure, et l’odeur de rien.



***