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Basic instinct.


Lui, avait rabattu la capuche de sa parka, 
et remonté sur sa bouche le bas de sa cagoule.
Il rôdait.
C’est bien connu, les rôdeurs rôdent.
Ils marchent, obsédés, l’esprit gangrené.

Elle, pressait un peu le pas,
à cause de la froidure.

Lasse, elle descendait la rue dans le silence et la demi-obscurité. 
Bientôt, elle retrouverait le confort de l'appartement, se servirait un grand verre de vin, se ferait couler un bain de mousse, fumerait un petit cigare, et écouterait Billie le restant de la nuit. 
Elle oublierait le désarroi de l'amie.
Les ruptures rendent les gens pathétiques. Ils se mettent en boucle, ressassent, rabâchent, redisent. Ils raclent, nombrilistes, leur seul chagrin. Ils vous l'imposent, le revendiquent, le portent en bannière, et vous laissent en finale impuissants, accablés et à part.

En bas de la rue, tourner à gauche.

Elle sentit sa présence.
Nom de dieu, que faisait-il derrière elle à deux heures du matin à longer comme un rat les façades ?

Elle traversa et pensa que louvoyer éviterait peut-être ce qui était en train d'arriver. Elle repéra quelques fenêtres éclairées. Crier ne servirait à rien. Quand elle vit de l'autre côté, l'homme la dépasser pour tourner le coin de la rue, elle obliqua à son tour et reprit, rassurée, le chemin familier. Mais alors qu'elle s'arrêtait au pied de son immeuble, l'homme, qui avait ralenti son allure, fit soudain demi-tour et s'engouffra dans l'entrée de la maison d'en face.

Que faisait-il, le visage dissimulé, à s’agiter, à fouiller, à remonter, nerveux, le bas de sa veste ?

Tout devenait compliqué. Comment sans lui tourner le dos monter les marches de l'entrée, se déganter, et trouver au fond de sa poche les clés emmêlées ? La frayeur lui venait qu'il ne l'agresse pendant qu'elle s'acharnait sur la serrure.
Alors, elle fit face.
Lui déjà traversait l'avenue et venait droit sur elle. 
Elle chercha des yeux le poing fermé ou l’arme qui la mettrait à terre. 
Ce qu'elle vit la laissa interdite. 
Elle se mit à hurler.
*
Après, elle ne sait plus.
Il avait disparu.
Elle courait dans les étages, et se précipitait dans l'appartement.

***

Il y eut des jours sombres.
Des nuits hermétiques. 
Les tentures côté rue qu'elle n'ouvrait plus.
Rien ne l'apaisait: ni l'immersion répétée dans les bains, ni le vin, ni Billie.
Elle avait beau se frotter, se gratter au crin, se maudire, se noyer, rien n’effaçait de sa mémoire le regard insensé de l'homme encagoulé.