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Ressac


Elle prenait pleinement conscience de son vieillissement.
Ses phalanges déformées tâtaient ses tempes veineuses, pressaient son sternum noueux, effleuraient ses hanches saillantes.

    combien de nuits noires, 
    de tentures tirées, 
    d’aubes occultées,
    de lumières artificielles, 
    combien de psychotropes ingurgités, 
    de cigarettes écrasées ?

Des petits corps flottants de plus en plus présents troublaient sa vue.

Il lui arrivait de marcher encore d'un pas vif, appelant par l'effort l'indispensable dopamine. 
Avancer. Oui, pensait-elle. 
Mais pour aller où ?
  
Où était la lumière ?
Qu’avait-elle fui, au juste ?

* Elle aurait aimé accrocher aux troncs des palmiers rugueux, le bel hamac écru et frangé. Le sable brillant serait-il aussi doux à son corps, maintenant qu'il n'était plus que douleur ?

Vivaient-ils encore ceux-là qu’elle embrassait tendrement ?
Qu’étaient-ils devenus ?

Et si tout cela n’avait jamais existé ? Les clayettes en bois délavé qui laissaient l'air doux s'infiltrer dans la chambre ? Le chant obsédant des petites grenouilles, après la pluie serrée venue s'abattre sur le jardin du bord de mer ?

Que faisait-elle ici, à refaire les mêmes trajets gris ?

Ressac
***

* Au supermarché de son quartier, la caissière blond platine se ratatinait.
Elle avait beau faire. Porter des santiags cloutées. Des tas de bagues argentées. Des ongles carrés en acrylique pailleté.



***


Une sorte de chose opaque, épaisse et sombre l'envahissait, dans laquelle remuait une odeur de nulle part. 
Elle pensa à un magma tiède qui déboulait au ralenti.




  • Au Mali, un journaliste français faisait l’objet d’une négociation abjecte, et recouvrait de cette manière une liberté qu’il remettrait en question jusqu'à son dernier souffle.