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Eux, vieux.


Bonsoir.
Elle n’entend pas.
Bonsoir, il répète, en lui touchant l'épaule.

Elle se retourne.
Il y a dans son attitude comme de l’inquiétude.
Une façon de prudence.

C’est moi, Pierre.

Alors, elle chavire, remonte le temps, s’ouvre au passé.
* Pierre, mon Pierre, mon caillou vert.

Et elle pose, tremblante, sur sa main vieillissante,
un très long et lent baiser d'avant.


Samuel Kokoumin




Éclats.


Une vie vole en éclats. 
Il suffit pour cela de pas grand-chose. 
Des portes qui claquent. 
Des rencontres toxiques.  
Du verre brisé.
La marge.

Des gens vous aiment, et soudain se détournent.
Ils s’en vont aux pôles, vous laissent.
Comment font-ils ?

Bien sûr, se disait-elle, si je n’y arrive pas, il restera toujours, à ne plus rien désirer, l’ultime solution.
Mais dieu, que c’était difficile.

Alors en attendant que l’idée se précise, elle bricolait.
Avec l'exil, le bruit des autres, l'odeur âcre de la ville. 

Marcher au bord l'épuisait.
Le pardon ne venait pas. Et plus elle y pensait, moins il venait.
Elle en oubliait la couleur du temps. Le cri du plaisir. Le ravissement.

  La roue tout en bas s'en fout quand on s'y précipite.
  Elle vous engloutit l'âme, et la chair et les os.
  Mais au centre, il demeure une lueur. 
  L'axe, peut-être. 
  Son immobilité.


*