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Migration.


Par delà le vieux mur écroulé, on entendait toute la houle démontée. 
Les vents furieux venus des Pôles glaçaient les yeux et les os, et le bruit qu’ils engendraient était à ce point assourdissant que tout basculait dans l'aliénation.
Elle sentit l’effroi des oiseaux qui fuyaient vers les terres, et comprit les milliards d'univers.

Depuis la nuit des Temps, les saumons sauvages remontent les cascades claires des rivières. Et les papillons, petits "monarques" fragiles, se rassemblent en un moment donné, et s'en vont voleter vers les îles.
 
Les dieux. 
Quels dieux ?
Elle pensa que les hommes n’auraient pas du les inventer, et que les vents brûlants et pénétrants n’en avaient pas terminé de s’enrouler dans la fureur pour finalement s'effondrer dans les trous noirs de leur mémoire.

Quelque chose lui échappait qui était à l’Origine.

Appuyée au grand mur blanc, sa tête rousse s’inonda de soleil.  
Lui revenait un rêve : dans un jardin de grandes fougères, elle frôlait des statues grises aux yeux clos.
  
Des milliards d’univers, quand même, ce n’est pas rien ...

Ce qu’elle pressentait se tenait là, debout, derrière ses paupières.

Le grand-père s'étonnait à la voir si longtemps assise sur la margelle, à s'occulter du monde : - ôte tes poings de tes globes oculaires, petite. Regarde plutôt ce que je te ramène du verger, les cerises sont mûres et noires, à peine piquées des merlettes.-



Marcher, marcher encore avec lui sur les chemins pierreux, quand le vent porte au large, entendre sa voix grave rappeler la chienne qui s’aventure et s’éloigne à tracer des odeurs enivrantes.


Rentrons, petite, tu tiens à peine debout
Ne regarde pas l'effarement des oiseaux qui s'enfoncent vers les terres
La digue ne résistera pas longtemps aux grandes déferlantes
Les vents à nouveau se sont enroulés, 
ils font le vide en leur milieu, 
ils vont tout emporter 
L'eau boueuse va dévaler
L’œil silencieux passera sur les rives dévastées, 
et les cimetières s’ouvriront.
  
Ne reste pas là, à te glacer 
Ne te laisse pas sidérer
Il te reste des choses à écrire


    Qu’attends-tu ? 
    Que le ciel te sauve ?

Dieu que c’est compliqué, de ne pas croire en toi, quand les étoiles s'imposent.

*
 

Mario Sanchez
femme brisée

***